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6 Aux lecteurs
7 Vous qui êtes arrivés récemment dans notre beau pays, qui avez admiré ses merveilleux paysages, vous êtes certainement impatients de compléter votre initiation en pénétrant l’âme de ses habitants.
8 Les récits que voici vous y aideront et vous les lirez certainement avec le plus grand intérêt.
9 Et vous autres, qui habitez la Grande Ile depuis longtemps et croyez connaître les mœurs malgaches, vous en commencerez la lecture avec scepticisme, mais vous la poursuivrez avec plaisir jusqu’à la fin câr elle vous fera connaître des aspects de la vie malgache que vous ignoriez.Nul autre que l’auteur ne pouvait entreprendre avec plus de succès la publication de ce livre.
10 Arrivée à Madagascar il y a plus de 35 ans, elle n’a cessé de se pencher avec sollicitude et bonté sur nos amis malgaches, et elle les connaît parfaitement.
11 Elle vous expose les efforts des meilleurs d’entre eux pour assimiler notre civilisation, et vous serez heureusement surpris de constater que, même en des temps très reculés, ces efforts furent souvent couronnés de succès.
12 Vous ne vous étonnerez plus alors que leurs descendants, que vous fréquentez, aient pu aussi facilement se rapprocher de nous, à la satisfaction de tous ceux, dont l’auteur, qui ont inlassablement travaillé à ce rapprochement.
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L’instant que l’on saisit n'est
14 bientôt que poussière — |
Mademoiselle JULIETTEPrincesse malgache
15 Le temps fuit, les années et les jours passent emportant « bêtes, gens et dieux » dans leurs transformations et leur évolution, semant sur toutes choses, la fine cendre de l’oubli.
16 Explorer ces temps révolus, y rechercher un de ces visages qui s’estompent et s’effacent dans le passé pour lui rendre, pendant un instant, un peu de la vie qui l’a animé, est une tâche tout autre que celle du romancier.Celui-ci a le privilège de modeler ses personnages et de conduire les événements à son gré.L’historien, lui, essaie de dégager la vérité mêlée d’erreur, d’exagération, de contradictions, dispersée et cachée parmi les documents, récits, souvenirs comme les parcelles d’or dans la battée, et d’en sortir un lingot de bon aloi.
17 Dans ce but, essayons, si vous le voulez bien, cher lecteur, de suivre les traces à peine effacées de la princesse Renibodo.Elle n’était point de celles qui, hantant le mystérieux palais de Tananarive,sacrifiaient sur les douze montagnes sacrées, selon les rites et les traditions, mais bien de pure race betsimisaraka, de la tribu des Betanimena.
18 La famille de Renibodo se trouva intimement mêlée aux événements politiques qui agitèrent, à l’aube du XIXe siècle, la côte orientale de l’île.Cette partie du pays était particulièrement fréquentée par les Européens trafiquant avec les îles de l’Océan Indien.
19 Il arriva qu’un navire, cinglant vers l’île de France pour y porter un haut fonctionnaire français allant rejoindre son poste, fit, comme de coutume, escale à Tamatave.Ce grand personnage enleva une belle indigène de caste noble et son jeune enfant.Ce fut peut-être un roman d’amour, il eut, pour résultat, un fils que l'on appela Jean-René.
20 En 1811, cette femme et ses deux fils rejoignirent définitivement leur pays d’origine.C’est à cette date que nos possessions tombèrent aux mains des Anglais et que beaucoup de membres du personnel officiel français qui y résidaient rejoignirent l’Europe.Il est possible que, de ces deux événements, l’un fut la conséquence de l’autre.Les deux jeunes gens se trouvaient, de par le milieu dans lequel ils avaient été élevés, pourvus d’une éducation et d’une instruction qui allaient leur permettre de prendre, avec autorité, une place prépondérante dans leur famille et leur tribu.
21 L’aîné, le prince Ifisatra ou Fiche, était un de ces Betsimisaraka tels que les avait vus Flacourt, parés de qualités qu'ils semblent avoir perdues par la suite :d’une nature droite, franche, audacieuse et, de plus, doué d’une intelligence peu commune.Sylvain Roux, alors occupé à maintenir dans cette région l’influence française, l’apprécia bientôt, se l’attacha, en fit son interprète et son fidèle compagnon.En peu de temps, tout le pays, jusqu’à la rivière Ivondro, reconnut Fiche comme son chef incontesté et se rangea sous ses ordres.Lui et son frère commandaient les tribus jusqu'à Beforona.Jean René, à Tamatave, faisait figure de grand seigneur.Vêtu à l’élégante mode créole de l’époque, il caracolait sur de beaux chevaux.On l’appelait «c Mpanjaka-Mena », — Le roi rouge — ce qui ne voulait pas dire là « cruel » mais puissant.Il s’était composé un étendard muni de divers attributs à l’instar des nobles blasons et il négociait habilement, avec les navires marchands, d’esclaves, de bœufs et de pacotille étrangère.Il habitait une maison qui paraissait un palais aux naturels du pays ne connaissant que les cases de roseaux, elle était construite tout en bois, avec un étage et entourée de palissades faites de troncs d’arbres équarris, tel le palais royal de Tananarive.
22 Les deux frères étaient riches, craints, obéis, mais jaloux de leur autorité et ils veillaient à ce qu’on n’y portât point atteinte.Aussi, quand les deux personnages, si étranges à leurs yeux, qu’étaient les deux missionnaires Jones et Bevan, apparurent, ils en prirent ombrage.Les nouveaux venus se tenaient à l’écart de toute transaction commerciale ;ils professaient, au sujet des ventes d’esclaves, de folles et ridicules théories et devenaient ainsi suspects et dangereux pour tous ceux qui vivaient silargement de ce trafic.Chacun leur conseilla de fuir au plus vite ce pays malsain et puisqu’ils ne voulaient pas reprendre le bateau, de monter à Tananarive dans l’espoir que, s’ils échappaient aux dangers de la route, le roi hova les renverrait dare-dare à Maurice d’où ils venaient ! C’est Ifisatra qui, plus apte sans doute à comprendre les sentiments désintéressés des deux missionnaires, semble s’être rendu compte, le premier, de la pureté de leurs intentions.Il leur vint en aide, ce qui n’empècha pas d’ailleurs, les plus cruelles circonstances.Mais, il y eut bientôt des ennemis plus réels à combattre :les hovas envahisseurs.Déjà de loin, du haut de sa montagne sainte, leur roi étendait vers eux ses tentacules.
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25 Ifisatra et Jean-René firent face à ce danger, y opposèrent une tenace résistance.Ils pensaient d’abord s’appuyer sur la politique anglaise, mais, en vérité, celle-ci consistait à favoriser les hovas que l’on considérait comme les plus capables d’aider à civiliser le pays en l’ouvrant aux négociations et aux étrangers.
26 C’est alors que le caractère des deux frères s’accusa plus nettement.
27 Jean-René incertain, indolent, inconsistant, témoignait aux ennemis de l’intérieur Jes sentiments les plus instables allant de l’hostilité à la cordialité.Une correspondance s’échangeait entre Radama et lui.Il aimait à traiter familièrement le roi deTananarive, il l’appelait «Blanc-Bec», se plaisait à se dire son égal.On trouve dans le cahier d’étude de Radama, copie d’une lettre qu’il écrivait en français au Mpanjaka-Mena. «Monsieur, lui disait-il, j’ai reçu votre lettre, mon cher frère, faite-moi le plaisir de m’envoyer du vin, de la liqueur, je voudrai (sic) avoir du drap rouge de première qualité, pas cher, je voudrais acheter un beau cheval, etc. »
28 Ifisatra, par contre, énergique, observateur clairvoyant, essayait d’ouvrir les yeux de son frère, de le mettre en garde contre trop de confiance.C’est en vain.Malgré ses avertissements, Jean-René se laissa circonvenir par Le Sage, envoyé de Farquhar, gouverneur de Maurice et s’aperçut trop tard qu’il était tombé dans un piège et qu’en traitant avec le messager anglais, il avait fait le jeu des ennemis ainsi que le prouve la suite de l’histoire.Radama attaqua Tamatave, avec une forte armée, il est vrai, mais l’emporta si facilement qu'on pourrait croire à des intelligences dans la place.Le traité conclu fut généreux pour Jean-René :il gardait le gouvernement héréditaire de la ville.Il resta en relations amicales avec les anglais, surtout avec Hastie, agent de l’Angleterre auprès du gouvernement hova.Il le nomma, à sa mort, son exécuteur testamentaire.
29 Il en était bien autrement d’Ifisatra qui, farouche, irréductible, se refusa à abdiquer et se réfugia, avec sa famille, dans l'ile aux Prunes où il entendait résister à l’aide de deux vieux canons français.Mais ne l’ayant pu réduire par la force, on l’abattit par la ruse.Il fut assassiné.
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32 C’est alors que se dessina la destinée de la jeune princesse Renibodo, fille de Fiche, que, dans cette tragédie, recueillit Monsieur Arnoux.
33 Le Capitaine Arnoux était officier de marine quand il fit le projet, de concert avec Monsieur de Rontaunay, riche négociant de Bourbon, de créer sur cette partie de la côte, une rhumerie qu’alimenterait une plantation.Ce projet se réalisa et, par la suite, à Imahela, près de Tamatave, s’étendirent des champs de canne à sucre tandis qu’une guildiverie fonctionnait.Un grand commerce était fait des produits de l’exploitation, le planteur avait à sa disposition, en rade de la ville, un trois mâts qu’il avait appelé étant marseillais « La Bonne Mère».
34 Ifisatra et Arnoux, unis par une de ces grandes amitiés scellées dans des serments et des échanges secrets, étaient frères de sang.Quand le prince mourut dans de si tragiques circonstances, son ami le pleura et, reportant son affection sur la jeune orpheline, il l’enleva sur la «Bonne Mère», la conduisit à Bourbon où, dans un milieu distingué, elle acquit une culture qui, développée par ses dons naturels, en fit, dans son pays, la femme la plus remarquable de son temps.
35 L’histoire se répète: Renibodo, devenue laprincesse Juliette ou Mademoiselle Juliette, c’est ainsi qu’on l’appellera désormais, revint dans son pays natal.Elle avait associé sa vie à celle de Monsieur Delaslelle.Ce dernier, successeur du Capitaine Arnoux à Imahela, était, comme lui, officier de marine.Il apportait, à la tête de l’entreprise une activité, une ténacité qui produisaient leurs fruits.La plantation était une des plus belles de l’île, le sol était particulièrement propice à la culture des cannes, on en voyait des champs à perte de vue.On y comptait 50.000 pieds de vanille, 150.000 caféiers.On y faisait des essais d’acclimatation des espèces animales et végétales apportées des autres contrées.Les ateliers de meuniserie, de tonnellerie, les fabriques de sacs, les fours à poterie, les chantiers de construction navale vibraient et bourdonnaient comme des ruches en travail.C’était la vie intense, c’était la richesse ! Mademoiselle Juliette était une aide incomparable, elle prenait sa part de tous les travaux, de tous les projets.Installée à Tamatave, elle étonnait tous les étrangers qui avaient le privilège de la rencontrer.
36 Elle avait l'apparence d’une dame de son époque:mise avec le soin d’une Européenne de bonne famille, elle portait des robes de soie ou de mousseline aux formes amples de crinoline.Ces cheveux poudrés faisaient ressortir son teint sombre.L’expression de son visage était douce, pleine de finesse ;son regard, brillant et franc;son sourire, éclairé de dents très blanches ;ses manières, vives et actives malgré un certain embonpoint.Sa conversation surprenait :elle parlait le français avec la plus grande pureté, la plus rare perfection.
37 La même simple élégance se retrouvait dans sa case, la première en venant du rivage.C’était une vaste demeure, d’une propreté rigoureuse, toujours tendue de nattes fines et fraîches.Dès l'entrée, de jeunes esclaves nettement coiffées, vêtues de longues robes claires, se voyaient occupées à des travaux d’aiguille.La pièce qui pouvait être le salon était parée de fleurs à la façon créole, et, en bonne place, se dressaient deux grands portraits, des plus beaux qu'on ait faits, de l'Empereur Napoléon III et de l’Impératrice Eugénie.Des journaux, des livres :Molière, Beaumarchais, les auteurs anciens, les écrivains du temps que lisait et commentait la maîtresse de ce logis et dont elle parlait avec aisance et érudition ;sur cette plage de l’Océan Indien, c’était un oasis français.
38 Ses sentiments n’étaient pas seulement apparence, copie superficielle.Elle avait gardé du drame de son enfance, la crainte, la méfiance de tout ce qui n’était pas français.C’est sans doute à cet état d’esprit qu’il faut attribuer l’accueil hautain et froid qu’elle réserva à la voyageuse Ida Pfeiffer.Celle-ci s’est plainte, en effet, de n’avoir trouvé aucune aide auprès de Mademoiselle Juliette, malgré les lettres de recommandation de Monsieur Lambert, et d’avoir été toisée par cette princesse noire.
39 C’est aussi à cet amour pour la France qu’elle obéit en envoyant son fils Ferdinand Fiche y accomplir un cycle d’études qu’il parcourut d’ailleurs brillamment.Il entra à l’Ecole Centrale et en sortit dans les meilleurs rangs avec le diplôme d’ingénieur.Ce fils chéri était une nature d’élite.Caractère inquiet, sensible, trop modeste pour s’imposer, il resta toujours isolé dans un milieu qu’il dominait, qui ne pouvait le comprendre.Revenu près de sa mère pour partager ses travaux, il fut d’abord question de son retour en Europe ;cependant, repris par cette vie grande et simple, il abandonna ce projet.Ses capacités le mettaient tout naturellement à la tête de la guildiverie, mais il y travaillait sous le contrôle tyrannique des hovas dont il était tributaire.Il mourut à 35 ans, d’une maladie mal définie ;la princesse Juliette, prévenue trop tard, arriva pour le voir rendre le dernier soupir.
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42 En 1857, un violent cyclone dévasta la côte, jetant au rivage navires, équipages, passagers et nombre d’épaves.Mademoiselle Juliette fit preuve, en ces circonstances d’un rare sang-froid et d’une grande énergie.Elle organisa les secours, activa les bonnes volontés, mit en œuvre toutes les ressources pour sauver, recueillir, soigner les naufragés.Au temps où la reine sanglante dictait ses lois à Tananarive, où le mot d’ordre était « tue, massacre, brûle », il fallait un véritable héroïsme pour agir ainsi envers les étrangers abhorrés.Napoléon III, au récit de tant de bonté, de courage, de dévouement, lui décerna et lui fit remettre une grande médaille d’or de première classe.Mais la vieille reine, à la nouvelle que sa vassale, princesse déchue, avait reçu un tel hommage d’une grande puissance étrangère, s’inquiéta et demanda la raison d’une pareille distinction.La réponse était difficile à donner.Notre héroïne se tira de danger avec esprit : « N’est-il pas d’usage dans tous les pays, expliqua-t-elle, de reconnaître les services rendus par une somme d’argent?Cette pièce d’or est le prix de mes peines ».C’est ce que la cupide souveraine était tout-à-fait apte à comprendre.
43 Chez Juliette, cet esprit ne manquait pas d’ironie, même quand il s’agissait d’elle ;elle avait le sens du ridicule partout où il se trouvait.Un jour qu’elle paradait dans une cérémonie officielle, en grand cortège bariolé, revêtue de parures un peu trop voyantes à son goût, elle dit, en passant devant le groupe de ses amis français venus en spectateurs: « Laissez passer le veau gras » !
44 Elle aimait à consulter le guérisseur et le devin ;elle confiait qu’ils lui avaient été souvent de bon secours.Elle soignait son entourage avec des remèdes qui passaient par leurs mains et d’après leurs diagnostiques mystérieux.Mais, quoi d’étonnant;ne sait-on pas que le souverain occupant au même moment le trône de France avait foi dans les cartomanciennes ?
45 Monsieur Delastelle était mort en 1856 ;il reposait dans un grand tombeau construit à la mode malgache et où Ferdinand Fiche devait venir le rejoindre.Mademoiselle Juliette, déjà personnellement intéressée dans l’entreprise, avait hérité de tous les droits du défunt et se trouvait à la tête de l’exploitation.Mais cette succession n’était pas ce qu’on pourrait croire.Depuis la malheureuse affaire de 1845 qui avait causé la fuite des flottes françaises et anglaises, la position des Européens était devenue intenable.Tous ceux établis sur les territoires de l’orgueilleuse et irascible reine avaient dû se plier à ses terribles lois.Ainsi que ses sujets indigènes, ils pouvaient être vendus comme esclaves, voir leurs biens confisqués, subir l’épreuve du poison.Abandonnant le fruit de longues années de travail, tous s'étaient enfuis ;tous, sauf deux hommes plus hardis que les autres, deux français :Delastelle et Jean Laborde.Mais leurs efforts étaient entravés, surtout pour le premier dont tous les échanges s’effectuaient avec l’extérieur.Or les ports étaient fermés, plus aucun produit ne sortait, plus aucun ne rentrait.C’était la mort de toute cette vaillante industrie.Après des débats, des luttes, Delastelle terminait sa carrière désespéré et ruiné !
46 Mademoiselle Juliette prit courageusement la direction de ce désastre :mais elle racontait qu’en ces circonstances, il lui avait fallu faire des prodiges de diplomatie pour concilier les affaires avec la politique.
47 Elle n’oubliait jamais que les efforts de sa famille s’étaient toujours appliqués en faveur des Français.Elle cherchait, en toute occasion, à leur rendre service, à leur venir en aide, les traitant en amis privilégiés.C’est pourquoi, ceux qui ont pu dire qu’elle travaillait pour l’influence anglaise ont commis une grande erreur et n’ont jamais compris ses souffrances et la reconnaissance qu’elle avait gardée à ceux qu’elle considérait comme ses bienfaiteurs.
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50 Mais les événements se précipitent, nous sommes en 1861, le vendredi matin, 16 Août, un soleilde liberté se lève sur Madagascar ;après 33 ans de règne, la vieille reine, âgée de 81 ans, vient de rendre le dernier soupir.Un souffle de délivrance passe sur le pays, les prisons s’ouvrent, les exilés reviennent, la vie reprend son cours.
51 Tous les yeux se tournent vers Rakotondradama, héritier et successeur de sa mère.Agé de 32 ans, il est aimé du peuple.De ses précepteurs, hommes d’élite, il a reçu une culture exceptionnelle ;il est gagné aux idées nouvelles ;son désir est d’ouvrir son pays à la justice et au progrès, de réparer le mal causé par les persécutions.Chez lui, aucune pensée, aucun geste de vengeance ;ses ennemis ses rivaux restent libres.Il déclare que, même au risque des dangers qu’il peut courir, il ne veut verser le sang d’un seul de ses sujets.
52 Il rend à Mademoiselle Juliette ses titres, son rang.Il la nomme princesse hova et lui décerne la croix d’officier de l’ordre du roi.Elle a environ 50 ans à cette époque ;elle a fait l’expérience des vicissitudes et des grandeurs humaines et toutes ces distinctions la laissent aussi naturellement calme et digne.
53 Tamatave est un poste de confiance, c’est la porte du royaume;la princesse en fait les honneurs aux ambassadeurs qui prennent contact avec le gouvernement hova.C’est d’abord l’envoyé de l’empereur des Français, le baron Brossard de Corbigny qui arrive sur la goélette de guerre « La Perle » et qui admire sa gracieuse et intelligente hospitalité.Puis, quelques mois plus tard, le Commandant Dupré, chef de la Mission chargée de représenter la France au couronnement de Radama II.
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56 Ce matin de Juillet 1862, quand les navires français revirent la côte pittoresque et sauvage de Tamatave si longtemps interdite, le gouverneur de la ville, Andriamandrosoa perdit quelque peu la tête.Il était de la vieille école et ne comprenait rien à un changement aussi complet dans les idées et les traditions.Il appela donc en hâte Mademoiselle Juliette à la Batterie, poste où il se sentait en sûreté ;et il y était avec elle en conférence inquiète quand la flotte signala son arrivée, sollicitant un salut de bienvenue qu’elle ne reçut pas.Bien plus, le gouverneur crut plus prudent, malgré les conseils qui lui étaient donnés, de ne pas se montrer et, manquant à toutes les lois du protocole et de l’hospitalité, il n’alla pas au devant de l’envoyé impérial qui se trouva, à sa grande stupeur, seul, au milieu des sables, avec son escorte.Au premier instant de la reprise des relations entre la France et Madagascar, la situation était délicate et menaçait de compromettre le prestige de la mission.Aussi, fallut-il, par la suite et pour la dénouer sans incident diplomatique, toute la subtilité du Commandant Dupré et toute sa fine bonté pour épargner au pauvre peureux une cruelle humiliation devant les troupes et la population de la ville.
57 Mais Mademoiselle Juliette était là, assez égayée par ces ridicules aventures.Le chef de la mission lui présenta les lettres l’introduisant officiellement auprès d’elle et avec sa décision et son énergie habituelles, elle s'occupa, dans les moindres détails, de l’expédition qui devait atteindre la capitale dansles meilleurs conditions possibles.Il y avait tout à prévoir pour ce convoi qui se composait de près de 500 hommes :filanzanes, porteurs, pirogues, gîtes d’étapes, bagages, provisions, relais etc.De plus, elle écrivit à la reine sa cousine, à divers personnages pour annoncer le départ, préparer l’arrivée.Elle dispensa minutieusement les conseils et les recommandations que lui dictaient son expérience et sa connaissance des habitudes et des goûts des Européens.
58 Avant le départ, par ses soins, un grand banquet fut offert à l’ambassade française qui eut là, une de ses premières surprises, devant le repas de 80 couverts servi avec luxe et élégance.
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61 Le 15 Juillet à midi, toute la caravane quittait Tamatave.La princesse se rendait elle-même aux cérémonies solennelles où une place de choix lui était gardée, mais elle s’y dirigeait par une voie plus rapide et plus sûre que celle que devait suivre la troupe du Commandant Dupré.Celle-ci avait à braver les lacs infestés de caïmans, les marais pestilentiels, les tourbières perfides, autant de sentinelles avancées, gardiennes de la ville sacrée défendue si longtemps aux étrangers et aux colons.Madame Ida Pfeiffer en avait fait la mortelle expérience, elle qui fut emportée, quelques mois après son retour en Europe, par les tenaces fièvres malgaches gagnées dans ces régions.
62 A Voabozo, capitale des Betanimena, les deux convois se rencontrèrent et cela donna l’occasionà Mademoiselle Juliette d’offrir au Commandant un ravissant ibis huppé vivant qu’on dut, hélas ! sacrifier au repas du soir.
63 La voyageuse et son équipage atteignirent Tananarive le 20 Juillet, une semaine avant le Commandant Dupré.Cette avance permit à la princesse de préparer la réception des hôtes étrangers et aussi d’ordonancer les fêtes, banquets et bals qui devaient précéder le couronnement et se donner dans les hauts quartiers aristocratiques de la ville, autour du Palais royal.Elle-même était reçue, en même temps que Monsieur Laborde, chez un des membres de la meilleure noblesse Andriamasinavalona.
64 La date du 31 Juillet fut choisie pour la présentation des envoyés français à la Résidence princière.Jusqu’ici, ils n’avaient vu que l’entourage assez disparate des souverains ;aussi attendaient-ils ce moment avec une impatiente curiosité.Qu’allait être ce Radama dont on parlait depuis si longtemps et qu’on représentait comme un prince sortant tout civilisé d’un peuple barbare ?
65 Il leur apparut vêtu (politesse protocolaire) de l’uniforme de général de brigade français, d'une coupe parfaite et porté avec aisance :culotte de chamois blanc, dolman bleu agrémenté d’un large ruban rouge en sautoir, et d’une décoration posée sur le côté gauche.De petite taille, mais très bien proportionné, il présentait le type des hautes castes hovas :teint bistré, beaux yeux noirs, nez busqué, bouche épaisse ombragée d’une fine moustache.Son sourire découvrait des dents très blanches et jetait sur son visage un éclair de bonté.C’était décidément la bonté qui dominait dans cette physionomie qui, pensive et attentive dans le silence, s’animait dans le discours.Quand on le connaissait mieux, on savait qu’il poursuivait un rêve, celui d’apporter à ses sujets, à ses amis, un message de paix et de liberté.
66 Il pouvait faire penser à un de ces chevaliers de la légende qui ont charmé notre adolescence par leurs exploits fabuleux.Voués aux saintes causes, ils n’avaient pour armes que des mains et un cœur purs, une épée vierge de tout crime.Etait-ce bien suffisant pour un conducteur d’hommes ?
67 A côté de lui, Rabodo n’était pas telle que nos jeunes officiers s’imaginaient une reine africaine ;ils s’attendaient à plus de plumes, plus de clinquant et ils avaient devant eux une femme élancée, au teint d’ambre, aux yeux petits mais vifs et expressifs, à la bouche fine, aux cheveux nattés dans une résille d’or.Ceux qui avaient été dans les îles du Pacifique reconnaissaient pur, en elle, le type des habitants de ces pays.Elle portait une élégante toilette parisienne sur un fond de satin blanc une robe de transparente mousseline brodée de fleurs légères.Sur sa tête, tremblaient les gouttes de diamant d’un diadème.Telle quelle, droite sans raideur, avec sa dignité, sa grâce distinguée, elle aurait eu sa place dans la société la plus choisie.
68 Visiblement plus âgée que son mari (on lui donnait 15 ans de plus) elle avait gagné son cœur par sa sage raison, sa claire intelligence.Comme elle réunissait les conditions dynastiques étant de même lignage que lui, par les femmes, la vieille reine favorisa ce penchant et lui conféra le titre “d’Epouse d’Etat” (Vadim-panjakana) détenu d’abord par Ramoma la première femme du jeune prince.Il semblait bien qu’elle dût être un heureux élément d’équilibre, ayant gardé le respect des précieuses traditions dont le jeune roi s’était dangereusement détaché.
69 Autour d’eux se pressaient les princes et les princesses, les nobles, les dignitaires.
70 La cérémonie se déroula selon un ordre soigneusement réglé d’avance.Les hymnes français et malgache retentirent, les présentations furent faites selon les préséances et traduites par Monsieur Laborde, les santés furent portées au nom de Napoléon et de Radama, de l’impératice et de Rabodo, le tout avec une simplicité et une grâce aimables.Mais, qu’y avait-il derrière les tentures de soie pourpre?Qu’aurait-on trouvé si on les avait soulevées ?N’aurait-ce pas été cette barbarie qui, à peine quelques mois auparavant, régnait dans ces lieux ?
71 Le 7 Août, l’ambassade fut conviée par Radama à un dîner suivi de bal.Le protocole ne permettait pas au prince d’y assister.C’est chez Rahaniraka, ministre des Affaires Etrangères que cette fête eut lieu.
72 Rahaniraka avait été élevé en Angleterre et paraissait bien désigné pour remplir ces hautes fonctions particulièrement délicates en ces circonstances.Ne fallait-il pas montrer aux étrangers ce qu’on désirait être, ce qu’on pouvait être désormais vis-à-vis du monde civilisé ?De plus, la demeure du ministre était une des plus belles et des mieux meublées de la ville.Le roi aimait Rahaniraka;il avait été un de ses éducateurs.De son séjour en Europe, il avait rapporté pour la France cette sorte d’admiration romanesque que Napoléon provoqua encore longtemps après sa mort.Sa tristesse, sa maussaderie n’étaient pas dues, comme l’a pensé le Docteur Vinson, à son peu de sympathie pour les Français, mais bien à une grave maladie de cœur, qui l’emporta deux mois plus tard.
73 A l’heure et au jour dits, dès leur arrivée, les invités furent saisis par l’aspect du vaste salon carré, décoré avec une splendeur tout orientale.Tout autour de la salle, et ainsi qu’on le voyait souvent dans les belles maisons de Tananarive, courait une galerie à mi-hauteur, soutenue par des colonnes rappelant les balcons des cours intérieures des habitations arabes et espagnoles.Les murs étaient couverts de tentures aux couleurs vives représentant des scènes de la guerre de Crimée ;le plafond disparaissait sous un damas de soie jaune d'or ;trois lustres de cristal s’illuminaient de bougies de cire ;partout brillaient des miroirs aux cadres dorés.
74 La table, large et longue, supportait un appétissant étalage de mets de toutes sortes :rôtis, volailles, pâtés, légumes, fruits, pâtisseries et des vins renommés disposés parmi la belle vaisselle, l’argenterie, les cristaux.
75 Les familles princières, les ambassadeurs, les envoyés des tribus s’y placèrent, selon les habitudes d’Europe, chaque étranger était assis entre deux princesses.Ces dames avaient copié, tant bien que mal, les atours de l’Impératrice Eugénie et de la Reine Victoria.L’une d’elles se paraît de velours amarante et de dentelle blanche, une autre de satin jaune paille voilé de dentelle noire.Au haut bout de la table, présidant ces agapes, vêtue d’une somptueuse robe rouge brodée d’or, siégeait la princesse Juliette.
76 Les hommes se contentaient de l’habit de ville plus discret que l’uniforme et se prêtant moins aux fantaisies de mauvais goût.Il y avait cependant quelques surprenants accessoires, c’est ainsi que tous les élégants portaient de lourdes boucles d’oreilles.
77 Les musiques ne cessaient de jouer, soit des airs patriotiques tels que l’air de Radama ou la Marseillaise, soit des airs à la mode comme « Partant pour la Syrie », «La fille du Régiment», «Les deux gendarmes».
78 Le moment venu, les politesses s’échangèrent, toasts, discours, hommages.Les noms des souverains français se mêlaient à ceux de Radama et de Rabodo.Il y eut des promesses, des projets.Mademoiselle Juliette étant à peu près la seule à comprendre et à pouvoir traduire tout ce qui se disait.
79 Les jeunes officiers trouvaient charmantes ces petites princesses exotiques dont le teint allait du bois de rose à l'ambre clair.Elles mêmes se montraient ravies de l’aimable empressement de leurs voisins de table ;mais les propos étaient difficiles, on suppléait à la parole par des gestes, le repas un peu guindé s’en anima ;de part et d’autre on essayait de prononcer quelques mots de la langue étrangère, cela provoqua des rires, dès lors, on était au diaposon pour commencer le bal.
80 Il s’ouvrit par le classique quadrille des lanciers, puis se poursuivit par des polkas et des mazurkas.Enfin, à l’enchantement des invités un peu las, sans doute, de toutes ces politesses trop convenues, les malgaches exécutèrent une des plus captivantes de leurs danses indigènes, celle qu’on pouvait encore voir danser il y a une trentaine d’années et qui, par sa souplesse et sa langueur, rappelait les plus voluptueuses danses espagnoles.
81 Commencée à 4 heures, la réception se terminait à 9 heures et demie et, sur leurs filanzanes, franchissant les ravins et les torrents desséchés qu’étaient alors les rues de la Capitale, les convives regagnèrent les logis qui leur avaient été assignés.
82 Pour recevoir le chef de la mission française, la maison de Raharolahy, après mûres réflexions, avait été choisie.Dès sa jeunesse, confié aux instructeurs européens par Radama I, il lisait les langues anciennes, parlait très bien le français et l’anglais.Ayant fait partie, comme secrétaire, de l’ambassade de 1836, il avait approché les souverains d’Europe et s’était assis à la table de Louis-Philippe ;le roi bourgeois avait remarqué sa noblesse naturelle.
83 Avec quelques autres de ses compatriotes, il formait un groupe qui s’isolait de son entourage ignorant et avide.Ces hommes lettrés et cultivés cherchaient à ses sources, par des lectures et des études sans cesse renouvelées, cette civilisation dont ils avaient soif.N’aurait-on pu dire d’eux :« Comme ceux qui, parmi les Papous,
84 chercheraient une nouvelle Athène»? | Raharolahy avait à ce moment-là environ 50 ans;il était grand, maigre, un peu courbé toujours mis avec recherche.Ce fut avec une aisance discrète qu’il reçut l’hôte le plus distingué de la députation et avec une fière réserve qu’il lui présenta sa famille.
85 Il était un sujet d’étonnement pour le Commandant Dupré qui, en conversant avec lui, admirait non seulement sa correction extérieure, mais aussi ses qualités de fine observation, la droiture de son jugement, la mesure de ses propos et la douce et souriante philosophie de son caractère.
86 Dans de telles rencontres entre de tels hommes, si différents d’origine et de race, il y a comme des liens mystérieux qui pourraient faire penser à de lointaines civilisations perdues, à des retours d’hérédité et de circonstances, comme des conjonctions d’astres.
87 Raharolahy portait le titre de ministre de l’Intérieur, ce qui ne correspondait à rien de réel.
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90 L’ambassade anglaise se présenta devant la ville le 8 Août, confiée au Général Johnstone.Elle reçut les honneurs diplomatiques et militaires.De la terrasse d’Andohalo, dominant l’horizon, les officiers français surveillant l’arrivée du cortège remarquèrent avec satisfaction que la suite britannique était moins brillante que la leur !
91 Une politesse en appelant une autre, la colonie française convia tous ceux qui avaient dans Tananarive, un titre ou une fonction officielle, à célébrer le 15 Août, la fête de l’Empereur.Monsieur Laborde nommé consul de France, de concert avec le Commandant Dupré, voulait que cette cérémonie revêtît un caractère de grandeur et de solennité capable de frapper les coeurs et les esprits.
92 Le matin de ce jour se leva tel qu’il pouvait être en cette saison d’hiver, frais et voilé.Dans la cour du Consulat situé à Andohalo, pour la première fois sous le ciel de l’Imerina, en présence de tous les Français alors dans la capitale, des troupes, des autorités indigènes et de Radama même, le drapeau tricolore fut hissé, déployé, salué au son de la Marseillaise et des salves d’artillerie.Puis, le cortège dont faisaient partie le roi et la reine, se dirigea vers l’Eglise catholique pour y entendre une messe solennelle.A la suite de quoi, tous les invités se portèrent vers Ambohitsirohitra, propriété de campagne de Monsieur Laborde, où une grande tenle avait été dressée, ornée des pavillons des trois nations et d’écussons portant les initiales des trois souverains :N.R.V.Cette tente abritait une longue table que chacun s’était efforcé de rendre élégante pour accueillir tant d’éléments divers.Et que de délicatesses ! des bouteilles au long col, des flacons coiffés d’argent, des conserves de Chevet, des foies gras du Périgord !
93 Au début, Radama salua ses hôtes, mais le moment des discours venu, le Commandant Dupré se leva.C’était un homme de haute taille, de belle apparence.Il parla au roi comme l’aurait pu faire un frère aîné, le mettant en garde contre la griserie du pouvoir, l’attrait du plaisir, lui conseillant de se placer chaque jour en face de sa grande tâche, de sa lourde responsabilité et de s’appuyer sur Celui qui règne sur tous les rois.Ces paroles paraîtront prophétiques.Puis, s’inclinant devant l’envoyé de l’Angleterre, il rappela, avec délicatesse, le deuil cruel qui assombrissait la Grande Bretagne et ses amis en la personne du Prince Albert;il rendit hommage à la sage souveraine qui conduisait le destin d’un si vaste empire ;il nomma le prince de Galles, espoir de cet empire.
94 Il se sentit compris.Le roi, devant ce merveilleux accord des deux plus grandes nations du monde crut étreindre son rêve de fraternité universelle;les anglais furent émus dans leur orgueilleux loyalisme.
95 C’était la France qui parlait, la France brave et sensible, vaillante dans ses folies généreuses et dont le génie si divers, la ténacité et la puissance au travail s’étaient déjà déployés sur cette terre même dans l’œuvre extraordinaire accomplie par certains de ses enfants.
96 Le Général Johnstone répondit sur le thème de la générosité faisant, à son tour, l’éloge de l’Empereur des Français représentant d’une nation qui savait laisser sous ses pas tous les bienfaits d’une civilisation raffinée.
97 Les étendards se mêlaient dans un même souffle ;la foule, au dehors, était attentive aux échos de ces voix alternées et aux applaudissements.Cependant, on remarquait l’absence dans celte assemblée de Rainilaiarivony, le Commandant en chef du royaume.Il était souffrant.Toute sa vie, il lui manquera d’avoir vécu cette heure.
98 Les fêtes du couronnement préoccupaient tous les esprits;elles avaient d’abord été fixées au 15 Août, date à laquelle expiraient les 48 lunes qui, suivant la coutume, devaient s’écouler avant, la présentation du nouveau roi.Mais le prince voulait, pour ce jour-là, tous ses amis auprès de lui.Or Monsieur Lambert, celui qu’il appelait son frère, parti en mission en Europe, n’était pas revenu.Il convenait de l’attendre.
99 Monsieur Lambert, né à Redon, avait passé sa jeunesse à Nantes et, comme tout bon Breton, il avait répondu tôt à l’appel de la mer.Fixé à Maurice par son mariage avec une jeune créole, il y menait la vie fastueuse des Iles, grâce à une grande fortune acquise surtout par la traite.Dans sa maison de campagne «les Pailles», située à quelques milles de Port-Louis, dans ses grands appartements, avec ses nombreux serviteurs ses équipages, sa table soignée, il offrait une luxueuse hospitalité.
100 A l'aide de ses bateaux, il explorait les côtes malgaches sur lesquelles il y avait encore tant à découvrir.Il y trouva une mine de houille, dans la baie d’Ambavatomby et la fit exploiter.Puis, il eut la chance de pouvoir ravitailler une garnison hova en détresse à Fort-Dauphin, ce qui lui valut la reconnaissance de Ranavalona.Elle le nomma duc d’Imerina et le favorisa dans son commerce.Par la suite, compromis dans le complot de 1857 destiné à détrôner la vieille reine, il fut exilé.Mais l'amitié formée entre Radama et lui était restée vive ;ils étaient liés par le serment du sang.
101 Peut-être le jeune prince eut-il pu avoir un ami plus prudent et plus adroit, car les démarches dont Monsieur Lambert s’était chargé n’eurent pas de suites heureuses.Sans doute prématurées ou mal étudiées, elles n’aboutirent à rien.
102 La présentation du prince Rakotondradama au peuple fut définitivement fixée au 23 Septembre.En attendant ce grand jour, le temps se passait en promenades, en visites, en réunions entre amis.Un jour, c’était une chasse à la sagaie, organisée par le roi, à Mahamasina, et que les spectateurs contemplaient du haut de la terrasse du Consulat dominant la vallée.Pietre divertissement consistant à poursuivre quelques vaches et quelques cochons apeurés fuyant devant les lances.Une autre fois, une course de filanzanes laissait glorieusement victorieuse l’équipe des porteurs Betsimisarakas qui avait amené le Commandant Dupré de la côte.
103 Le 25 Août, un grand gala réunissait au palais d’argent les deux ambassades, la famille royale, les ministres et les visiteurs des tribus.Il était évident qu’on ne voulait pas être en reste de faste et de splendeur.
104 Puis, on se retrouvait souvent à la maison de plaisance de Radama, celle qu’il avait fait construire en pierre à Ambohimitsimbina.On y appelait les musiciens, les danseurs, les chanteurs.Le prince aimait la danse, il était brillant danseur. |